Sacred Heart IX - La Débauche

Profil gustatif détaillé

• Apparence : Cette bière se présente avec une robe noire opaque. La mousse est quasiment inexistante ou de très courte durée, ce qui est fréquent pour une bière titrant 21% d’alcool. L’aspect huileux de la Sacred Heart IX lui a valu le surnom de « pétrole » par certains dégustateurs pour souligner sa viscosité exceptionnelle.

• Arômes : Intenses et tournés vers le malt torréfié. Au nez, on décèle un puissant bouquet de chocolat, surtout chocolat au lait accompagné de notes d’amande grillée. L’alcool est bien présent et apporte une touche épicée/vive à l’arôme. Plusieurs dégustateurs mentionnent également des effluves de fruits noirs (pruneau, cerise confite) mêlés à l’alcool, évoquant un spiritueux. L’ensemble est riche et promet une dégustation corsée.

• Saveurs : En bouche, l’attaque est gourmande sur le chocolat noir. On ressent une franche saveur de cacao amer (évoquant un chocolat à 90% de cacao) et de café corsé. Très vite, la chaleur de l’alcool monte et dévoile une grande complexité aromatique : des notes de fruits confits et de fruits secs (dattes, pruneaux) se mêlent au chocolat, suivies d’une pointe d’orange confite (type orangette) et d’épices intenses comme le poivre noir. Cette diversité de saveurs confère une profondeur exceptionnelle à la bière. Malgré la force alcoolique, l’équilibre sucre/alcool reste correct, on a une sensation de rondeur sucrée, presque liquoreuse, rappelant un digestif.

• Texture en bouche : La Sacred Heart IX offre une texture épaisse et liquoreuse. Le corps est lourd, tapissant le palais, mais étonnamment peu carbonaté (quasi plat) ce qui renforce l’impression de siroter un spiritueux. La chaleur se fait sentir dès la première gorgée : c’est une bière puissante et chaleureuse qui “tapera” vite au palais comme au crâne si on la boit trop vite. Elle se savoure donc par petites gorgées.

• Amertume : L’amertume houblonnée est très discrète, presque imperceptible. Les 30 IBU annoncés sont largement masqués par l’alcool et la sucrosité résiduelle. Toute sensation d’amertume provient surtout des malts torréfiés et du cacao amer, qui laissent en bouche une pointe astringente de chocolat noir intense. Cela reste modéré et équilibré par la richesse maltée et sucrée de l’ensemble.

• Finale : La finale est longue, sur le cacao et l’alcool. On retrouve en rétro-olfaction un goût persistant de chocolat (cacao amer) et une chaleur de type liqueur ou vieux rhum. Malgré la puissance, l’alcool en finale est jugé “acceptable”, c’est-à-dire intense mais pas abrasif. La persistance aromatique est remarquable : bien après la dernière gorgée, les notes de cacao, de café et de fruits macérés continuent de tapisser le palais.

• Complexité : La Sacred Heart IX est une bière d’une grande complexité gustative. Chaque gorgée dévoile de nouvelles nuances malgré la dominance du duo chocolat/alcool. Des dégustateurs y ont ainsi perçu tour à tour des touches de fruits noirs, de fruits secs, de noix, d’agrumes confits ou encore de légères notes umami (type sauce soja) en fond. Cette richesse aromatique, alliée à la texture liquoreuse, fait de chaque verre une expérience évolutive. Il s’agit en somme d’une bière de dégustation extrême, riche et multi-dimensionnelle, à apprécier lentement pour en saisir toute la palette de saveurs.

Avis des consommateurs et des experts

La Sacred Heart IX a reçu un accueil enthousiaste auprès des amateurs de craft beer. Sur Untappd, elle affiche une note moyenne d’environ 4,16/5 pour près de 200 avis, ce qui est exceptionnel. Les utilisateurs soulignent fréquemment son intensité chocolatée, “super chocolatée !” s’exclame l’un d’eux et sa rondeur en bouche compte tenu de son titrage hors norme. Plusieurs commentateurs reconnaissent qu’on “sent bien les 21°”, mais trouvent l’alcool bien intégré dans l’ensemble, accompagné par le côté doux du chocolat et du lactose qui arrondit les saveurs. Une dégustation Untappd décrit par exemple « arômes de fruits noirs (prune, cerise), fruits confits, chocolat amer… Bien rond, sucré, liquoreux. Un peu alcooleux », ce qui résume bien le caractère de la bière : gourmande, liquoreuse et puissante à la fois. En France, les cercles d’amateurs n’ont pas hésité à qualifier la Sacred Heart IX de “pétrole” ou de “bière de fin de soirée”, indiquant qu’elle se prête à une consommation posée, en petite quantité, comme un digestif d’exception.

Du côté des experts, les retours confirment l’excellence du brassin tout en ajoutant quelques nuances critiques. Un membre expérimenté de BeerAdvocate lui décerne une note de 4,56/5, en saluant sa profondeur aromatique peu commune. Il relève un “big boomer on the nose” riche en fruits noirs (dattes, pruneaux), café et chocolat, avec une pointe d’alcool rappelant la vodka. En bouche, il décrit des couches successives de saveurs (prune, cacao sec, touche de sauce soja) et compare la Sacred Heart IX à la mythique World Wide Stout de Dogfish Head, une autre stout extrême, tout en notant que la création de La Débauche présente une ardeur alcoolique plus marquée, susceptible de s’assagir après un peu de garde. Le magazine Bière Magazine, dans son numéro 119/120, salue « une nouvelle réalisation qui atteint une complexité de richesse aromatique, tout en se buvant “comme du petit lait” ». Ce commentaire souligne avec malice qu’en dépit de sa puissance, cette bière demeure étonnamment buvable, comprenez : on pourrait presque se laisser tromper par sa gourmandise et en boire plus que de raison. En résumé, consommateurs comme experts sont impressionnés par la Sacred Heart IX, ses arômes intenses de chocolat, sa texture liquoreuse et la maîtrise du brassage Eisbock qui lui confère une telle intensité sans la rendre désagréable. Quelques dégustateurs avertis conseillent simplement de la laisser vieillir ou de la déguster à petite dose pour en apprécier toutes les subtilités sans être submergé par l’alcool.

Le style Eisbock : origine, caractéristiques et place de la Sacred Heart IX

L’Eisbock (ou Ice-Bock) est un style de bière allemand né accidentellement en Bavière au 19ᵉ siècle. La tradition raconte qu’en hiver vers 1890, un tonneau de Doppelbock fut oublié dehors par un apprenti brasseur à Kulmbach ; le froid figea une grande partie du fût, et le patron furieux obligea l’ouvrier à boire la fraction liquide décongelée pour ne pas gâcher. Contre toute attente, cette partie concentrée en alcool s’avéra délicieuse, donnant naissance à un nouveau style de bière ultra-costaud : l’Eisbock. Son nom vient d’ailleurs de l’allemand Eis (glace) et Bock (la bière de type Bock).

Procédé de fabrication : traditionnellement, une Eisbock s’obtient par congélation partielle d’une bière forte déjà existante (généralement une Doppelbock) et extraction des glaces formées. Ce procédé de solidification fractionnée permet de retirer une partie de l’eau du moût et de concentrer l’alcool et les arômes dans le liquide restant. Il en résulte un breuvage nettement plus fort et riche que la bière de départ. C’est un processus long, coûteux et à faible rendement (il faut beaucoup de bière de base pour peu d’Eisbock obtenue), ce qui explique que les Eisbocks soient souvent produites en petites quantités et vendues plus cher.

Caractéristiques typiques : l’Eisbock originelle est une lager brune (fermentation basse) très alcoolisée, affichant en général 9 à 14% d’alc. vol.. Sa robe va du cuivre profond au brun foncé. En bouche, elle se distingue par un profil très malté et liquoreux : on y retrouve des saveurs intenses de caramel, de pain grillé et de fruits secs (figue, pruneau) ou fruits cuits, apportées par le malt concentré. Le houblon est quasiment absent tant à l’arôme qu’en amertume (IBU très bas), laissant toute la place à la rondeur sucrée du malt et à la chaleur de l’alcool. Une bonne Eisbock évoque souvent les notes d’un vin cuit ou d’un sherry : c’est doux, chaleureux, avec des accents de porto ou de pruneau à l’eau-de-vie, et une texture pleine en bouche mais peu carbonatée (la forte teneur en alcool inhibe la mousse). Bien exécutée, elle ne doit pas être âcre ni trop brûlante : l’alcool puissant s’équilibre avec la sucrosité résiduelle pour donner une impression d’harmonie liquoreuse. Historiquement, l’Eisbock est une spécialité hivernale rare, produite par quelques brasseries bavaroises (Kulmbacher, Schneider Aventinus Eisbock, etc.), mais le style a connu des variations et un regain d’intérêt chez les brasseurs craft du monde entier.

Sacred Heart IX, entre tradition et expérimentation : La bière Sacred Heart IX de La Débauche reprend le principe Eisbock (congélation fractionnée pour titrer très fort) tout en s’en écartant par sa conception. D’un côté, elle “coche les cases” du style : avec 21% d’alc., c’est bien une bière extrêmement forte et concentrée, dépassant même les standards habituels de l’Eisbock classique (on est au-delà des 14% typiques) et rejoignant le club des Eisbocks les plus titrées au monde. Elle est également faiblement carbonatée et offre le visage d’une bière liquoreuse de dégustation lente, conformément à l’esprit du style. En ce sens, la Sacred Heart IX s’inscrit dans la tendance moderne où les brasseurs repoussent les limites du style Eisbock, on peut citer la course aux records d’alcool avec des bières comme la Schorschbock (jusqu’à 57% !) ou, dans une moindre mesure, les différentes Sacred Heart V, VI, X… de La Débauche qui titrent entre 20 et 27%.

D’un autre côté, La Débauche propose ici une interprétation très innovante de l’Eisbock. Au lieu d’utiliser une base de Doppelbock traditionnelle (100% malts d’orge), la brasserie a collaboré avec l’enseigne V and B pour brasser un Imperial Stout “pastry” avant de le congeler. La Sacred Heart IX est présentée comme une « Chocolate Milk Stout Eisbock », ce qui signifie qu’elle inclut des ingrédients non conventionnels pour le style : lactose (sucre de lait, d’où le terme Milk Stout) et fèves de cacao ajoutées en brasserie. Ces ajouts se traduisent par des flaveurs de chocolat crémeux et une rondeur sucrée inhabituelles dans une Eisbock classique. Par ailleurs, la Sacred Heart IX a été vieillie en fûts de Sherry Oloroso selon toute vraisemblance, ce qui lui confère des notes oxidatives (fruits secs, fruits à coque) rappelant les vins fortifiés, un clin d’œil aux notes de porto que l’on retrouve dans les Eisbocks, mais obtenu ici par un affinage en barrique. Ce passage en fût, combiné à l’usage de malts torréfiés typiques des stouts (orge grillée, donnant des notes de café), fait clairement dévier Sacred Heart IX du canon Eisbock traditionnel. On est en présence d’une Eisbock impériale hybride, mariant la richesse d’une Russian Imperial Stout (malts torréfiés, amertume cacao, profil fermentaire ale) avec le processus Eisbock (concentration par le froid) et l’approche “pastry” moderne (compléments gourmands, vieillissement en fût).

En conclusion, la Sacred Heart IX s’inscrit dans le style Eisbock par son mode d’élaboration et son degré alcoolique hors norme, tout en élargissant les frontières du style. Elle montre que l’Eisbock n’est pas figé à un seul type de recette : comme d’autres brasseries craft, La Débauche a exploré une voie originale en appliquant la technique Eisbock à une base de stout extravagante. Le résultat est une bière unique en son genre, qui respecte l’esprit de l’Eisbock (puissance, rondeur maltée, faible pétillance, richesse aromatique) tout en offrant un profil gustatif novateur dominé par le chocolat, le café et le caramel. À ce titre, Sacred Heart IX illustre parfaitement l’évolution du style Eisbock au 21ᵉ siècle : un pont entre la tradition brassicole (procédé ancestral) et la créativité sans limite des brasseurs contemporains.

Sources :

calameo.com

pintplease.com

untappd.com

beeradvocate.com

bouar.fr

facebook.com