Tokyo* (16,5%) - BrewDog

Historique & Création : Une Bière Hors Norme
4,07 / 5 sur UNTAPPD
BrewDog Tokyo*, lancée initialement en 2008, s’est rapidement fait un nom en repoussant les limites de la bière artisanale. D’abord proposée à 12% vol., elle a provoqué un tollé chez les défenseurs de la santé publique au Royaume-Uni, ce qui n’a pas découragé BrewDog, bien au contraire. En 2009, la brasserie écossaise sort Tokyo* dans une version titrant 18,2% d’alcool, alors la bière la plus forte jamais brassée en Grande-Bretagne. BrewDog assume un marketing provocateur : Tokyo* est inspirée d’un jeu d’arcade Space Invaders des années 80 (d’où le petit astérisque « * » dans le nom) et la bouteille arbore une tirade philosophico-décalée sur l’excès. On peut y lire : « Tout est question de modération. Y compris la modération elle-même. Ce qui doit logiquement suivre, c’est que, de temps en temps, vous devez avoir de l’excès. Cette bière est faite pour ces moments ».
Cette invitation à sortir des limites n’a pas plu aux autorités : en 2009, le Tokyo* 18% est frappé d’une interdiction de vente au UK pour incitation à l’ivresse sur l’étiquette. Le comité de régulation (Portman Group) a jugé irresponsable d’encourager les consommateurs à boire à l’excès, obligeant BrewDog à revoir son message s’ils voulaient à nouveau commercialiser la bières. Fidèle à son esprit punk, BrewDog a réagi avec sarcasme – en lançant une bière à 1,1% nommée Nanny State (l’« État nounou ») pour se moquer de la polémique. Par la suite, la brasserie a continué sa surenchère d’alcool avec des breuvages encore plus forts (comme Tactical Nuclear Penguin, 32% puis Sink The Bismarck, 41%!), consolidant sa réputation de trublion du craft beer.
Aujourd’hui, Tokyo* titre 16,5% – BrewDog a ajusté la recette en 2014 pour abaisser un peu l’ABV (le 18,2% « stressait trop les levures » selon la brasserie) tout en préservant un maximum de saveurs. Cela reste une Imperial Stout extraordinairement puissante, brassée avec des ingrédients peu communs (jasmine, canneberges, levure champagne) et vieillie sur copeaux de chêne français, dans un esprit résolument “hors norme”. Chaque brassin de Tokyo* se voulait une édition limitée (3000 bouteilles à l’origine) – un objet de curiosité autant qu’une bière.
Profil Gustatif : Arômes, Saveurs & Sensations
Tokyo* se présente comme une Imperial Stout d’un noir d’encre impénétrable, à la mousse brune aussi fugace qu’une étoile filante. Son profil gustatif est d’une complexité intergalactique :
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Nez : Puissant et riche. Des arômes évoquent le vin cuit (porto, sherry), les fruits macérés (pruneaux, fruits des bois) et le malt rôti. On décèle aussi du chocolat noir, du café, des notes boisées de chêne, le tout enveloppé d’une forte présence d’alcool qui trahit ses 16+ degrés.
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Saveurs : En bouche, c’est une explosion de saveurs successives. On goûte des fruits noirs confits (raisin sec, prune, cranberry), du caramel, de la réglisse et du chocolat, avec même des touches vanillées apportées par le vieillissement sur chêne. Des épices subtiles (cannelle, jasmin) peuvent se manifester lorsque la bière se réchauffe. L’amertume est présente (environ 90 IBU), mais reste en arrière-plan tant le malt et l’alcool dominent; une légère note acidulée peut apparaître en fin de gorgée.
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Texture : Le corps est épais et liquoreux, digne d’un vin fortifié. En bouche, la bière est sirupeuse, presque huileuse, avec une carbonatation très discrète. Chaque gorgée tapisse le palais d’une chaleur alcoolisée intense. Servie fraîche, elle paraît plus douce et équilibrée, alors que réchauffée elle devient plus lourde et sucrée. Plusieurs dégustateurs notent d’ailleurs que la Tokyo* gagne à vieillir ou à être bue très froide pour tempérer sa sucrosité et son côté « brûlant ».
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Évolution : C’est une bière évolutive. Ses arômes et saveurs changent à mesure qu’elle se réchauffe dans le verre, dévoilant tour à tour de nouvelles facettes. La finale est longue, chaude et amère, évoquant un liqueur de fruits rouge suivi d’une amertume résineuse persistante. En somme, Tokyo* offre « un voyage au-delà de vos horizons brassicoles » – elle flirte même avec le style barley wine par son profil vineux et sucré. Une expérience sensorielle extrême, réservée aux amateurs de sensations fortes!

Avis d’experts : Hype ou Chef-d’œuvre ?
Malgré (ou grâce à) sa démesure, Tokyo* a conquis bon nombre d’experts et de critiques de la scène bière artisanale. Sur les sites de référence, elle affiche des scores éloquents : 98/100 sur RateBeer, 89/100 (mention “Very Good”) sur BeerAdvocate, et une note moyenne d’environ 4,1/5 sur Untappd d’après plus de 20 000 avis. Autant dire que, pour la communauté craft beer, Tokyo* n’est pas juste un coup de pub – c’est une bière largement respectée. Elle figurait même parmi les stouts impériales les mieux notées du Royaume-Uni en fin d’époque 2010
Les commentaires d’experts oscillent entre admiration et mise en garde. Côté louanges, le blog Them Apples s’extasie devant « 18,2% ? Ce n’est pas fort… c’est insensé ! » puis décrit Tokyo comme « tout simplement ahurissante, et autant une expérience qu’une bière ». La robe nuit et les saveurs infinies ont de quoi impressionner les dégustateurs chevronnés: chocolat très noir, fruits riches, notes de whisky provenant de la maturation en fût – un ensemble d’une grande complexité qui “dépasse l’entendement”. Plusieurs spécialistes soulignent une rondeur et une onctuosité inattendues pour un breuvage si alcoolisé, témoignant du savoir-faire de BrewDog.
D’autres analyses sont plus nuancées, rappelant le caractère extrême (et marketing) de Tokyo*. Le Difford’s Guide, par exemple, salue la richesse de la stout mais note qu’elle relève « plus du défi hors normes que de la pinte désaltérante » – un critique avoue qu’il aurait du mal à finir ne serait-ce que la moitié de la bouteille tant l’expérience est intense. On a pu lire que Tokyo* est « peut-être un coup de pub », un brassin conceptuel qui flirte avec les limites du raisonnable. Même BrewDog le reconnaissait à demi-mot en présentant Tokyo* comme une bière-manifeste pour “éduquer le public et repousser la perception de la bière en Grande-Bretagne”. En clair, provocation et innovation vont de pair ici – l’ADN BrewDog.
Au final, le consensus expert penche plutôt en faveur du produit: Tokyo* est une prouesse technique et gustative, mais à manier avec respect. « Ce n’est pas une bière de tous les jours – personne ne va s’en enfiler une pinte en rentrant du boulot – mais ce n’est pas qu’une lubie non plus. C’est du sérieux, brassé avec soin », conclut un critique, qui admet que le buzz marketing autour de Tokyo* « à la fois ajoute à son attrait et décrédibilise un peu sa crédibilité », sans toutefois gâcher le plaisir. En somme, Tokyo* fascine les spécialistes, partagés entre l’émerveillement devant l’audace de BrewDog et la conscience que cette bière flirte avec la folie brassicole.
Avis des Consommateurs : “Trois gorgées pour décoller”
Du côté des amateurs et consommateurs, Tokyo* suscite des réactions passionnées, tantôt élogieuses, tantôt déroutées mais rarement tièdes. Les points positifs récurrents dans les avis : la bière offre une palette aromatique jugée exceptionnelle. Beaucoup la comparent à un digestif plus qu’à une stout classique, évoquant un profil proche d’un porto, d’un sherry ou d’un cognac, grâce à ses notes de fruits secs, de sucre brun et d’alcool chaud. “Une avalanche de saveurs exotiques, toutes dans un seul verre”, s’étonne un dégustateur, émerveillé de retrouver mélasse, dattes, figues, pruneaux, réglisse, cannelle, et bien d’autres nuances dans une seule bière. Plusieurs affirment qu’on peut la savourer à petites doses, comme un vin de dessert, et qu’une bouteille 33cl se partage aisément tant Tokyo* est intense. Les connaisseurs soulignent aussi son potentiel de vieillissement : avec les années, l’alcool s’arrondit et de nouvelles saveurs (rhum, oxydation noble) apparaissent, rendant l’expérience encore plus riche. Sur Untappd, nombre d’utilisateurs lui attribuent 4 ou 5 étoiles en saluant “son caractère unique et collector” et la recommandent pour conclure un repas sur une note puissante et sucrée (plutôt que pour étancher sa soif !).
Cependant, les critiques négatives ne manquent pas, même chez les fans de stout. Le reproche principal concerne l’équilibre : certains trouvent Tokyo* trop sucrée et sirupeuse, manquant de cette amertume ou de cette torréfaction qui auraient pu équilibrer les sucres résiduels très présents. “Le combo sucré-sirupeux est juste trop pour moi, même en la sirotant” avoue un buveur, “il n’y a pas assez de côté rôti pour contrebalancer, ça devient écœurant en se réchauffant”. Plusieurs conseillent de la boire bien fraîche, car servie à température ambiante “elle devient trop lourde, chaque gorgée devient un défi”. La puissance alcoolique, malgré le travail de maturation, reste saisissante : “On dirait un sirop fortement alcoolisé” note un autre, qui ne retrouve plus vraiment le caractère d’une bière dans ce nectar noir. Le prix est aussi un facteur dissuasif évoqué – autour de 10€ à 15€ la petite bouteille, ce qui fait que beaucoup la classent dans les “à goûter une fois pour l’expérience” plutôt que dans les breuvages qu’on rachète régulièrement. “Trois gorgées pour décoller. ... Difficile d’en abuser tout de même”, résume avec humour un dégustateur français : Tokyo* est une excursion interstellaire qu’on entreprend occasionnellement, par curiosité ou défi, plus qu’une bière de soif qu’on écluse par pintes.
En définitive, la communauté des beer geeks s’accorde à dire que Tokyo* est une bière culte, polarisante mais mémorable. Qu’on l’adore pour son côté extrême et sophistiqué ou qu’on la critique pour son manque de mesure, elle ne laisse personne indifférent. Pour un usage marketing créatif, on peut jouer sur cette dualité : c’est « la bière dont on se souvient », à la fois mythique et ironique (son slogan prônant l’excès en a fait une légende urbaine). Tokyo* incarne l’audace “punk” de BrewDog et promet à quiconque ose y goûter un moment d’anthologie brassicole – à savourer avec un brin de folie, et beaucoup de modération bien sûr !
Sources :
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