Xyauyù Fumè Riserva 2011 - Baladin

Dégustation, Contexte & Avis d’experts
4,5 / 5 sur UNTAPPD
Notes de dégustation
Apparence & texture : La Xyauyù Fumè se présente visuellement comme un véritable digestif : robe brun-ambré profond aux reflets cuivrés, complètement dépourvue de mousse et de carbonatation. Le liquide est limpide et huileux, nappant le verre à la manière d’un vieux porto : plusieurs dégustateurs notent en effet une texture sirupeuse rappelant un vin fortifié de longue garde.
Arômes : Au nez, c’est une explosion de richesse maltée et boisée. La tourbe fumée des fûts de whisky d’Islay domine d’emblée, évoquant un feu de camp sur une tourbière écossaise. Ces effluves puissants de tourbe et de fumée se mêlent à des notes douces de caramel brun, de miel et de fruits secs (raisins, figues, prunes), résultat de l’oxydation maîtrisée et du long vieillissement. On décèle aussi des touches de cuir, de noix et de tabac blond, apportant encore plus de complexité au bouquet aromatique.
Saveurs : En bouche, l’attaque est intensément fumée et tourbée – certains commentateurs la comparent carrément à un verre de Scotch d’Islay tant la ressemblance est frappante. On ressent des flaveurs de bois brûlé, de tourbe terreuse et une légère note médicinale rappelant les whiskies côtiers. Puis, presque immédiatement, une douceur maltée vient équilibrer le tout : une avalanche de saveurs de caramel fondant, de toffee, de cassonade, de chocolat et de fruits confits submerge le palais après le choc initial de la tourbe. Ces couches successives de sucré et de fumé évoluent en permanence pendant la dégustation, révélant même par moments des nuances surprenantes (une pointe salée rappelant la sauce soja a été notée par un dégustateur aventurier). L’ensemble offre une complexité extraordinaire où malts, fruits oxidés et fumée tourbée dansent en harmonie.
Finale & alcool : La finale de cette bière de dégustation est longue, chaude et intrigante. Fait remarquable, plusieurs dégustateurs mentionnent que l’aftertaste s’évanouit de façon étonnamment brève malgré l’intensité des saveurs perçues, ce qui donne envie d’y replonger immédiatement. D’autres au contraire décrivent une persistance douce-amère prolongée, où le sucre résiduel et la tourbe se fondent durablement dans un équilibre magistral. Avec ses ~14% d’alcool, la Xyauyù Fumè est aussi puissante qu’un vin muté, et pourtant l’éthanol est si bien intégré qu’on la boirait « comme si elle n’en faisait que 7 ou 8% » d’après un dégustateur médusé. L’alcool ne se manifeste véritablement qu’en fin de bouche par une chaleur douce et réconfortante, jamais brûlante, un exploit d’équilibre pour une bière aussi tourbée et alcoolisée.

Contexte et histoire
La Xyauyù Fumè – Riserva 2011 est brassée par Birra Baladin, brasserie artisanale iconique de Piozzo (Piémont, Italie) fondée par Teo Musso. Ce brasseur visionnaire qualifie ses créations Xyauyù de « birre da divano », c’est-à-dire de « bières de divan » à savourer lentement, bien installé, un peu comme un cognac ou un porto de fin de soirée. Lancée en 2004, la série Xyauyù représente le fleuron expérimental de Baladin : il s’agit de barley wines (bières d’orge titrées en alcool) de haute fermentation, volontairement exposés à l’oxydation puis affinés de longs mois en cuve ou en fût, afin de développer des arômes évolués rappelant les vins liquoreux ou oxydatifs. Le résultat est ce que Baladin appelle des « bières de salon », à la croisée de la bière, du vin et des spiritueux.
Le qualificatif Fumè signifie « fumé » en italien. Il désigne la variante de Xyauyù imprégnée de saveurs fumées. La première incarnation de cette bière, nommée initialement X-Fumè, a vu le jour en 2007 par l’infusion de feuilles de thé noir Lapsang Souchong (un thé chinois traditionnellement fumé) dans le barley wine de base. En 2012, Teo Musso pousse l’expérience plus loin : il obtient des fûts ayant contenu du whisky écossais d’Islay (célèbre pour ses malts très tourbés) et y fait vieillir son précieux breuvage pendant un an, transmettant à la bière des notes fumées naturelles et intenses. Le nom Xyauyù Fumè n’était donc pas nouveau, mais cette fois l’apport fumé provient du bois imbibé de tourbe plutôt que d’un ingrédient infusé.
L’édition Riserva 2011 est le fruit de cette approche innovante. Brassée fin 2011, la bière a subi un processus contrôlé de macro-oxydation puis a vieilli douze mois en ex-fûts de whisky tourbé d’Islay. Elle a ensuite été embouteillée sans aucune refermentation (d’où l’absence de mousse) dans des bouteilles de 500 ml, puis capsulée et scellée à la cire pour permettre une longue garde. La présentation soignée de cette cuvée reflète son statut prestigieux : chaque bouteille est vendue dans un élégant coffret de bois noir, munie d’un bouchon de rechange pour pouvoir la refermer et la déguster sur plusieurs sessions. Considérée comme l’une des plus grandes réussites de Baladin, la Xyauyù Fumè a obtenu la note exceptionnelle de 95/100 (mention “World-Class”) sur BeerAdvocate et la note maximale de 100/100 sur RateBeer. Elle figure régulièrement au palmarès des concours brassicoles internationaux, ayant par exemple décroché un podium (3ème place) dans la catégorie des bières fumées lors d’un concours en Italie. En raison de la complexité de sa production, cette bière n’est brassée qu’en quantités limitées et millésimées : la version 2011 analysée ici fait partie de la prestigieuse Riserva Teo Musso, aux côtés d’autres millésimes (2014, 2016, 2018…) qui ont suivi.
Réactions et impressions
Les témoignages d’enthousiasme autour de cette bière d’exception abondent. Un dégustateur chevronné confie par exemple : « I've had a little under 900 beers now, and this is by far my favorite… if I won the lottery tomorrow I would purchase 500 bottles of this and never leave my couch again. ». Un autre, après l’avoir bue sur fut durant 8 ans, la décrit comme « amazing, unique and incredibly executed, a candidate for beer of the year for me. » tant il l’a trouvée aboutie. Pour beaucoup, c’est une révélation gustative totale.
Les commentaires soulignent souvent son équilibre et sa douceur malgré la puissance aromatique. « Insanely priced but it’s a true gem, sweet but so smooth and velvety, smoky and deeply fruity… an incredible joy to drink » résume ainsi un amateur conquis, insistant sur la texture veloutée et la richesse fruitée sous le fumé. Un blogueur spécialisé note de son côté que c’est « the most peat forward beer I have ever had… and easily one of the most complex. », en d’autres termes, jamais une bière ne lui avait offert une tourbe aussi prononcée, ni un profil aussi complexe. Ce degré de complexité et d’intensité fascine les dégustateurs à la recherche de saveurs hors normes.
Toutefois, quelques avis plus mitigés se font entendre. Un habitué de la gamme Xyauyù admet une pointe de déception sur cette version : « this Fumè variant… was somewhat disappointing… [it] definitely masked the fruity, oxidative notes that were so prevalent in the others. ». En clair, il regrette que la fumée tende à couvrir les nuances fruitées oxidatives qu’il appréciait tant dans les autres cuvées de la série. Un autre dégustateur, par ailleurs amateur de bières fumées, trouve aussi que « I love smoke but I think it was a little overdone » sur l’édition 2011, estimant la tourbe un brin excessive même si cela reste « very good » à ses yeux. Ces critiques soulignent que l’intensité aromatique de la Xyauyù Fumè peut dérouter : elle demande sans doute d’apprécier particulièrement le caractère fumé pour être pleinement savourée. Néanmoins, la plupart des retours convergent sur son caractère unique et sa maîtrise technique remarquable, qui en font une expérience de dégustation mémorable.
Cet article est le fruit d'une analyse approfondie de ces différentes sources :
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